© Benoît Renevey

Les ballerines du marais

Dans la Grande Cariçaie, au bord du lac de Neuchâtel, les prairies humides se parent de taches colorées en ce début d'été. Les orchidées, danseuses fragiles au sommet de longues tiges, jouent de leur charme irrésistible.

Dans la Grande Cariçaie, au bord du lac de Neuchâtel, les prairies humides se parent de taches colorées en ce début d'été. Les orchidées, danseuses fragiles au sommet de longues tiges, jouent de leur charme irrésistible.

A peine ai-je parcouru quelques dizaines de mètres sous la canopée de la forêt alluviale, non loin de Portalban, que retentit le chant flûté du loriot. Le long du sentier, les ornières débordent, il a plu abondamment. De ces flaques temporaires s’élève un son étrangement doux : les sonneurs à ventre jaune chantent leurs amours. A qui sait tendre l’oreille, les forêts humides de la rive sud du plus grand lac 100% suisse offrent une ambiance sonore sans pareil. Ces boisements plutôt jeunes, issus de la première correction des eaux du Jura il y a 130 ans, présentent une diversité biologique remarquable. Difficiles d’accès et peu rentables en raison des sols très humides, ils ont en grande partie échappé à l’exploitation intensive. Le bois mort y est abondant et l’étage des arbustes particulièrement dense. Pas étonnant d’y trouver sept des neuf espèces de pics du pays !

Des choins et des laîches

Ouverture. La frondaison se déchire faisant place au ciel. Le chemin s’élargit, lumineux. De part et d’autre la forêt s’est retirée. Dans la dépression à peine perceptible, l’humidité est trop élevée pour les ligneux. Laîches, choins et joncs s’étendent dans cette clairière providentielle. En lisière, pins sylvestres, bouleaux et genévriers soulignent la transition vers la forêt. Un enchantement ! Ici et là, quelques notes de couleur : les grandes draperies jaunes de l’iris des marais et, plus discrètes, les étoffes chatoyantes couleur crème, pourpre sang, rose lilas ou vert olive d’une multitude d’orchidées. Inutile de se mouiller les pieds dans les prairies détrempées, les belles s’offrent le long du chemin. Il suffit de baisser les yeux.

L'eau, entre terre et ciel

Virage à angle droit, direction lac. Une pluie fine se met à tomber. J’apprécie le picotement des gouttelettes fraîches sur le visage. La forêt fait place à la prairie de laîches. Puis apparaissent ici et là les premiers roseaux annonciateurs de la dense et impénétrable roselière, particulièrement étendue sur ce secteur de rive à l'instar des étangs et des cariçaies.

Tiens ! Quel est ce cri étrange comparable à une stridulation d’insecte ? criquet ? sauterelle ? Peu probable dans une roselière inondée ! C’est la locustelle luscinioïde, petite fauvette du marais, qui tente de marquer son territoire parmi le charabia des rousserolles effarvattes.
Le ponton débouche sur la dune boisée qui borde le lac. Au pied d’un grand saule, une épipactis déploie avec sensualité ses pétales pourpres. L’odeur du lac parvient jusque-là. J’emplis mes poumons de ces effluves suaves avec délectation. Derrière le saule, c’est le grand large.

Bec acéré

Le marais entre Gletterens (FR) et Chevroux (VD) fut autrefois le fief du héron pourpré. A peine plus petit que le cendré, cet échassier de couleur brun-roux a des exigences plus élevées. Il est intimement lié aux vastes étendues marécageuses.
Son histoire dans la Grande Cariçaie est une saga. La première nidification certaine date de 1941, avec trois couples, puis atteint un maximum de 54 couples en 1955. Dès cette date, les effectifs diminuent légèrement puis plus fortement à partir de la seconde correction des eaux du Jura. L’espèce disparaît en 1987. Depuis quelques années, de un à trois couples nichent à nouveau. L’instauration des réserves naturelles a certainement contribué au retour de ce héron discret et farouche. Ouvrez l’œil ! Vous êtes ici au cœur de son domaine. Peut-être aurez-vous la chance de le voir passer dans le ciel !

Faune et flore de la grande caraiçaie photo
Héron pourpré / © Benoît Renevey

Itinéraire

Accédez à la carte détaillée de cette balade dans le PDF en bas de page.

Au cœur du marais

Portalban > La Sauge

durée: 3h30

  • Au port de Portalban prendre à gauche (1) le long du parking.
  • Profiter de la proximité du lac (2) pour rechercher canards, goélands et cormorans qui croisent au large.
  • Observer dans ce secteur (3) la lutte engagée entre pinède et prairie qui se traduit par de magnifiques clairières. C’est l’un des meilleurs secteurs pour les orchidées.
  • A partir de là (4), le chemin goudronné et rectiligne est un peu long. Amusez-vous à repérer à l’oreille les pouillots véloces entre ce point et les premiers lotissements de Cudrefin. Leur chant est une suite régulière de notes sautillantes : tsiep tsap tsiep tsap
  • Bifurquer à angle droit environ 100 mètres après la ligne électrique (5). Dans la réserve de Cudrefin (6), on lutte contre l’avancée de la forêt en faisant paître des vaches écossaises.
  • Départ du bateau pour Neuchâtel (7).

Préliminaire

Chevroux > Portalban

durée: 2h30

  • Quitter le port direction village. Prendre la rue du Stade à gauche (8). La forêt alluviale est particulièrement belle : sous-bois dense et varié, petites cascades, ruisseau et molasse affleurante sont propices à une grande diversité biologique (9).
  • Cet étang (10), derrière les derniers chalets, est issu du réaménagement du port de Gletterens. Le castor y a établi domicile.
  • Point de vue sur d’immenses prairies de laîches (11). Le faucon hobereau chasse volontiers les libellules en plein ciel.

Accès en transports publics

Par le train pour Estavayer-le-Lac ou Neuchâtel : cff.ch Puis par bateau à Chevroux, Portalban ou Cudrefin. Retour en bateau de La Sauge à Neuchâtel : navig.ch

Hébergement et tuyaux gourmands

Office du tourisme d’Estavayer-Payerne. +41 (0)26 663 12 37

Dormir sur la paille, La Sauge, Pascale Cornuz. Maximum 10 personnes. Petit déjeuner sur demande, espace grillade à disposition. +41 (0)76 400 05 42

Dormir sous tipi, village lacustre de Gletterens. +41 (0)76 381 12 23

Restaurant Le Bateau à Portalban. Cuisine typique du lac et de la campagne avoisinante. Ce restaurant est un ancien bateau. Sympa ! +41 (0)26 677 11 22

Auberge de La Sauge. Spécialité de poissons du lac. +41 (0)26 677 02 70

Les règles d’or

  • Attention aux moustiques ! Prévoyez des habits couvrants et munissez-vous d'un bon répulsif
  • respecter les règlements de réserve affichés à plusieurs endroits sur le parcours
  • ne pas quitter les sentiers balisés
  • dans le port de Gletterens, les chiens sont interdits, même tenus en laisse.

Eclairage par Michel Antoniazza

Michel Antoniazza

Michel Antoniazza est collaborateur scientifique du bureau exécutif de l’Association de la Grande Cariçaie depuis 1980. Ce biologiste est responsable du suivi ornithologique et participe à l’élaboration des stratégies de conservation des réserves. Il a cosigné le livre « La Grande Cariçaie » (1991).

A) Centre ASPO de La Sauge « Ouverte au public de mars à octobre, la maison de la nature dédiée aux oiseaux propose une exposition permanente sur la Grande Cariçaie. Un parcours extérieur de 500 mètres offre des points de vue exceptionnels sur les oiseaux et notamment sur le martin-pêcheur. »

B) Village lacustre Gletterens « Ce site est une reconstitution fidèle de l’habitat néolithique en Suisse. Il est ouvert tous les jours du 1er mai au 31 octobre. Des animations pour groupes et familles permettent d’apprendre les gestes des premiers agriculteurs qui vivaient là il y a près de 5000 ans ! »

C) Le Plambois « Voilà une magnifique chênaie à charmes entre Chabrey et Champmartin, relique de grande valeur. On y trouve des arbres plus que centenaires. Quelques centaines de mètres à l’ouest, le long de la route cantonale, un parcours au-dessus des falaises offre un point de vue panoramique sur les marais et le lac. »

D) Une ville de seigneurs « Si vous arrivez en gare d’Estavayer pour votre balade, empruntez le Circuit des Remparts pour vous rendre au port. Estavayer-le-Lac est l’une des plus belles bourgades moyenâgeuses de Suisse romande. Compter 40 minutes pour l’itinéraire proposé en vignette. »

Couverture de La Salamandre n°204

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 204  Juin - Juillet 2011
Catégorie

Balades

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