© Hélène Tobler

Cet article fait partie du dossier

La vie en roses

Au service de sa majesté la rose

Les années et l’expérience ont éloigné Alain Tschanz, fils et frère de rosiéristes, des hybrides de thé et des traitements-chocs. Le Vaudois est devenu le chantre des roses dites anciennes et des espèces botaniques. Un homme de bon conseil.

Les années et l’expérience ont éloigné Alain Tschanz, fils et frère de rosiéristes, des hybrides de thé et des traitements-chocs. Le Vaudois est devenu le chantre des roses dites anciennes et des espèces botaniques. Un homme de bon conseil.

« Si la plupart des petits garçons ont vu le jour dans les choux, moi je suis un des rares mecs à être né dans les roses » , rigole Alain Tschanz aux portes de son domaine. Dans sa propriété, des rosiers à perte de vue. En cascades et en tapis, en buissons et en lianes. Des blanches qui festonnent et des roses qui boutonnent. Des églantines délicates et des pompons souriants. Ses pas dans l'air chaud des allées mettent en mouvement des bouquets d'arômes d'agrumes, de pommes ou de musc que le maître des lieux s'emploie à décrire.

Partout des insectes s'activent sur les corolles, mais Alain Tschanz ne s'en inquiète pas le moins du monde. Dans la branche, le rosiériste d'Aclens, au nord de Morges, est ce qu'on peut appeler un original. Il y a dix ans, il a définitivement troqué la rose moderne contre des formes plus anciennes, plus sauvages et plus naturelles.

Le charme des feuillages

Rien ne prédestinait pourtant le Vaudois à cette reconversion. Baigné dans la rose moderne depuis l'enfance, il reprend avec son frère dans les années 1980 la roseraie familiale consacrée aux hybrides récents et à la rose coupée cultivée sous serre. « Dans l'après-guerre, tous les rosiéristes travaillaient avec des variétés remontantes aux couleurs pétantes et aux corolles turbinées. Mon père a suivi cette mode, si bien que j’ai ignoré les roses anciennes jusqu'à l'âge de 30 ans ! »

Mais la curiosité le titille. Il se procure quelques variétés d'antan, proches des espèces sauvages, et tombe illico sous le charme. Il découvre soudain que la fleur n'est pas le seul intérêt du rosier : « La plupart des roses anciennes ne sont pas remontantes, c'est-à-dire qu'elles ne fleurissent qu'une seule fois par année, mais elles ont bien d'autres atouts : leurs fruits et leur feuillage apportent tout au long de la saison de magnifiques nuances au jardin. »

Elargir son horizon

« Nous faisions toutes les deux ou trois semaines des traitements préventifs contre les maladies fongiques. C'est la norme dans les cultures de roses modernes, car ces variétés n'ont pas été sélectionnées en fonction de leur résistance aux maladies mais uniquement selon des critères esthétiques .» Séduit pour de bon par la rose ancienne, Alain Tschanz quitte l'entreprise familiale et s'élance tête baissée vers l'élue de son cœur. En quelques années, il réunit près d'un millier de variétés, mais élimine rapidement celles qui ne conviennent pas aux jardins familiaux. De fil en aiguille, il se prend également de passion pour les rosiers botaniques, ces sauvageonnes aux fleurs d'églantines à l'origine des roses cultivées.

Variétés de rose
En France, Rosa gallica a conquis le Massif central, les Alpes et la vallée de la Loire. C'est le seul rosier sauvage qui bénéficie aujourd'hui d'un statut de protection dans l'Hexagone. / © Benoît Renevey
Variétés de rose
'La Belle sultane', une création portant des caractères de Rosa gallica dans ses gènes. / © Benoît Renevey

L'essentielle Rosa gallica

Avec un plaisir certain, Alain Tschanz s'attarde un instant devant un buisson recouvert de grandes églantines aux pétales d'un rose soutenu : « C'est Rosa gallica, le rosier de France, une espèce sauvage dont on retrouve les gènes dans d'innombrables lignées de roses cultivées. » Originaire du Caucase, cet églantier s'est naturalisé en Europe dès l'Antiquité. Il comporte dans sa descendance quelques noms illustres, comme la rose de Provins ou des apothicaires (Rosa gallica officinalis), une variété cultivée dès le XIIe siècle en Champagne pour ses propriétés médicinales. « On doit aussi à cette lignée les roses de Damas (Rosa x damascena), des hybrides connus depuis des millénaires en Orient à l'origine de l'eau de rose et de l'essence de rose. »

Monstres stériles

En règle générale, les roses cultivées se distinguent de leur parent sauvage par la forme de leur corolle et leur capacité à refleurir, cette fameuse remontance ardemment sélectionnée. Si les églantines n'ont que cinq pétales, les roses d'ornement peuvent en compter des dizaines. En réalité, les pièces florales surnuméraires sont liées à une mutation spontanée des étamines en pétales : « Une monstruosité génétique dont les sélectionneurs ont su largement tirer profit, sourit Alain Tschanz, le stade ultime étant une fleur sans étamines, donc stérile et sans intérêt pour les insectes ! »

Encres de Chine

Bien plus tard, à la fin du XIX esiècle, l'arrivée des rosiers chinois en Europe a provoqué un véritable raz de marée dans le monde des sélectionneurs. Les formes asiatiques avaient en effet des couleurs vives inespérées, dans les tons jaune et orangé, des fleurs turbinées et une remontance assurée. « Obtenu par un certain Guillot en 1867 à partir de ces variétés importées, le rosier 'La France' serait le point de bascule entre la rose ancienne et moderne. L'engouement fut tel que, depuis cette date, des milliers de nouveaux hybrides ont été mis sur le marché. Aujourd'hui, il est d'ailleurs quasi impossible de retracer la généalogie d'une rose moderne » , assure le rosiériste d'Aclens. Mais peu importe finalement. Car chez lui, point de roses opulentes au cœur stérile, ni de belles prétentieuses à la santé délicate. La simplicité reste de mise le long des allées.

Variétés de rose
'Tuscany', une création portant des caractères de Rosa gallica dans on génôme. / © Benoît Renevey

Simplement belles

Même si la majorité des amateurs de jardins continuent à plébisciter les roses modernes, Alain Tschanz ne regrette pas son choix : « Je touche une clientèle qui souhaite un jardin plus écologique, plus proche de la nature. Cette tendance est en plein essor aujourd'hui .» La preuve ? Par souci de limiter l'usage des pesticides, même des communes optent dorénavant pour des rosiers faciles à vivre. Une orientation de bon augure pour la biodiversité de nos quartiers bâtis.

A vous de jouer !

Les astuces du rosiériste: jargon du métier et étapes pour créer des variétés nouvelles

Dans votre jardin: choix des variétés et conseils d'entretien écologique

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Couverture de La Salamandre n°204

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 204  Juin - Juillet 2011
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