© Olivier Buisson

Cet article fait partie du dossier

La salamandre pour de vrai

Les salamandres noires de montagne et leur reproduction incroyable

Et enfin, voici des salamandres qui se développent pendant des années en grignotant leur maman de l'intérieur.

Et enfin, voici des salamandres qui se développent pendant des années en grignotant leur maman de l'intérieur.

L'une et l'autre ont le dos entièrement noir pour capter la chaleur, rare en altitude. Pourtant, malgré l'absence de taches jaunes avertisseuses, leur peau sécrète en cas de danger un lait encore plus toxique que les salamandres tachetées. Toutes deux vivent en montagne, dans des massifs humides où la bruine et le brouillard règnent en maîtres. Et surtout, chacune d'entre elles a développé une stratégie de reproduction sans équivalent chez les amphibiens. Pour faire face aux rigueurs du climat et à la rareté des points d'eau, elles portent leurs jeunes plusieurs années dans leur ventre. Elles, ce sont les prodigieuses salamandre noire et salamandre de Lanza.

La première est répandue dans les Préalpes suisses mais très rare en Haute-Savoie. Plus fine et plus petite que sa cousine des plaines, plus vive aussi, plus souterraine encore, la salamandre noire se laisse parfois observer en grand nombre sous la pluie le long des sentiers de randonnée. Après une gestation qui peut durer jusqu'à cinq ans, la femelle vivipare donne naissance à deux jeunes parfaitement formés. Ajoutez à cela six ou sept ans pour devenir adulte et vous obtiendrez un animal fabuleux.

Décrite par la science en 1988 seulement, la salamandre de Lanza a une répartition réduite à l'extrême : les contreforts du mont Viso, entre Alpes françaises et italiennes et… c'est tout ! Visible en surface uniquement une vingtaine de jours par an, cette rareté met au monde trois à six jeunes après également de longues années de gestation. Cet amphibien est complètement sédentaire. Il se repère et localise ses congénères grâce à des marques odorantes. On a même découvert qu'il défend son territoire contre ses concurrents, un comportement inconnu chez les autres salamandres européennes.

Des cimes aux plaines

On trouve les deux salamandres exclusivement alpines jusqu'à une altitude de 2 300 mètres dans des milieux riches en abris souterrains. Il est probable que la répartition très ponctuelle de la salamandre de Lanza s'est encore réduite ces dernières décennies. Quant à la salamandre noire, dans le canton de Fribourg par exemple, elle descend exceptionnellement jusqu'en plaine dans certaines gorges fraîches et humides, par exemple le long de la Sarine ou de la Schwarzwasser.

Fausses jumelles

Les salamandres de montagne : salamandre noire et salamandre de Lanza
© Luigi Remonti

Les secrets de la gestation de la salamandre noire ont été révélés par le Suisse Gaston Guex il y a une vingtaine d'années. Seuls deux œufs sont fécondés. Quand les larves éclosent dans le ventre de leur mère, elles mesurent chacune un demi-centimètre de long. Elles commencent par dévorer tous les autres œufs avortés et réduits en bouillie. Pour que ce brouet ne leur colle pas à la peau, la surface de leur corps est couverte de petits cils vibratiles. Elles respirent l'oxygène dissous dans le liquide utérin grâce à de longues branchies.
L'hiver interrompt ce développement. Les étés suivants, la femelle produit de minuscules protubérances en forme de massues à l'avant de chacun des deux utérus. Grâce à des rangées de petites dents apparues entre-temps, les larves broutent les tissus maternels qui se régénèrent au fur et à mesure jusqu'à leur naissance deux ou trois ans plus tard.

Césarienne d'urgence

Les salamandres de montagne : salamandre noire et salamandre de Lanza
© Olivier Buisson

Un jour, des scientifiques découvrent sur les pentes du mont Viso une salamandre de Lanza qui vient d'être tuée par une chute de pierre. Les chercheurs ouvrent le ventre de cette femelle et trouvent les larves encore vivantes. Sauvées in extremis, ces curiosités coiffées de grandes branchies roses termineront leur développement saines et sauves en aquarium.

Mini-répliques

Les salamandres de montagne : salamandre noire et salamandre de Lanza
© Jean-Philippe Delobelle / Biosphoto

Les jeunes salamandres noires ressemblent comme deux gouttes d'eau à leur mère… en miniature. Imprégnées de son odeur, il semble qu'elles restent en tout cas plusieurs semaines tout près d'elle. Une proximité unique chez les amphibiens non tropicaux.

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La salamandre pour de vrai

Couverture de La Salamandre n°248

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 248  octobre - novembre 2018, article initialement paru sous le titre "Pourquoi j’ai bouffé ma mère"
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