© Jean Chevallier

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Loir, lérot, muscardin, les rongeurs perchés

Le muscardin peut occuper d’anciens nids d’oiseaux

Le muscardin adore les buissons, mais dès qu’il s’agit d’améliorer son confort, il se sent pousser des ailes…

Le muscardin adore les buissons, mais dès qu’il s’agit d’améliorer son confort, il se sent pousser des ailes…

C’est un de ces beaux soirs de juin comme on les aime. Ni trop chaud, ni trop froid, ni trop sec. Hier, il a plu toute la journée à Baulmes, dans le canton de Vaud. Fraîche, la forêt sent bon. Elle s’ébroue encore. Juché sur une échelle adossée à un arbre, l’ornithologue Pierre-Alain Ravussin ouvre délicatement la porte d’un nichoir.

Les pensionnaires

Au fond, cinq oisillons encore nus et aveugles : des gobemouches noirs. Passionné par cette espèce menacée, notre homme a suspendu une centaine de nichoirs dans les vergers, les lisières et les forêts qui entourent cette localité du pied du Jura. « Depuis plus de 25 ans, je suis sur le pied de guerre de début avril à fin juin, car je dois contrôler plusieurs fois tous les nichoirs. Cela me permet d’estimer le succès de reproduction du gobemouche, et de baguer les occupants. »
Des pensionnaires, il en a beaucoup. Et pas seulement des gobemouches, dont la population se limite bon an mal an à une dizaine de couples. La sittelle s’est installée dans le nichoir n° 52, tandis que des mésanges charbonnières ont adopté le 58. D’autres créatures encore s’intéressent aux caissettes brunes. Indulgent, Pierre-Alain Ravussin précise : « Je découvre aussi des araignées ou des nids de frelons, ou encore, plus sympathiques, des loirs et des muscardins »

Au n° 79

Pour conforter ses dires, le nichoir n° 79, situé en lisière de forêt, nous réserve une bonne surprise. Derrière la porte, un museau roux émerge prudemment de la mousse. Un muscardin nous regarde de ses gros yeux ronds. Les pattes avant agrippées au trou d’envol, il est prêt à déguerpir. « J’ai vidé ce nichoir il y a une dizaine de jours, après l’envol de la nichée de mésanges. C’est donc peut-être le muscardin qui a apporté cette mousse. En général, il utilise plus volontiers d’autres matériaux, comme des feuilles mortes », constate l’ornithologue. En tout cas, le lieu semble lui convenir : c’est la troisième année que Pierre-Alain Ravussin l’y surprend.

Rongeur des cimes

Le cas du nichoir 79 n’est pas une exception. Bien au contraire. Peter Vogel sourit : « Pendant longtemps, on a cru que le muscardin faisait ses nids à une hauteur de 30 cm à 2 m, autrement dit à un niveau facile à prospecter. Mais la découverte de ces gliridés dans les nichoirs et les trous d’arbres, ainsi que des expériences de radiotélémétrie, ont obligé les scientifiques à lever la tête. » On sait depuis que le rongeur s’installe volontiers dans un arbre à plus de vingt mètres de haut, ou peut même faire son nid dans une aire de rapace.

Le muscardin dans son nid, un drôle d'oiseau - La Salamandre
Chaque printemps, Peter Vogel fait la tournée de ses nichoirs. Quand il capture un muscardin, le scientifique détermine son sexe, puis pèse le rongeur dans un petit sac. / © A. Adriaens

Jamais nombreux

Depuis plusieurs années, Peter Vogel profite de la propension du muscardin à occuper les nichoirs à oiseaux pour l’étudier de plus près. Dans la lisière d’une forêt proche de Lausanne, ses étudiants et lui ont posé une quarantaine de nichoirs adaptés à cet animal. Cette technique, moins brutale que le piégeage, permet un suivi des populations à long terme.
Les biologistes déterminent le sexe et estiment l’âge des individus capturés. Ceux-ci sont aussi pesés et marqués avant d’être relâchés. « Grâce à une puce électronique injectée sous la peau ou à une pastille lumineuse, nous pouvons suivre les animaux dans leurs déplacements, explique le biologiste. Nous savons ainsi que les jeunes muscardins s’établissent rarement à plus d’une centaine de mètres de leur lieu de naissance. »
Plusieurs études ont aussi montré que leur densité n’est jamais très élevée dans la forêt : on compte généralement entre 1 et 4 individus par hectare, alors que les effectifs des autres rongeurs forestiers, comme le campagnol roussâtre ou les mulots, sont souvent dix fois plus élevés.

Nid d’hiver

Que fait donc le muscardin en hiver ? Se calfeutre-t-il dans son nichoir jusqu’aux beaux jours ?
Comme les autres gliridés, notre rouquin hiberne. Il s’endort au début du mois de novembre et se réveille vers la fin du mois de mars. Mais plutôt que de rester haut perché, de s’enfoncer sous terre ou de chercher refuge dans les habitations, il brave les frimas de très près. C’est en effet au ras du sol, dans la litière forestière, qu’il s’installe !
Le muscardin construit un nid bien épais, au pied d’un arbre, entre les feuilles mortes, et s’y endort profondément, roulé en boule. Quand il gèle à pierre fendre, sa température se stabilise autour de 2 °C, une chaleur toute relative alimentée par ses réserves de graisse. L’animal échappe ainsi aux froids les plus vifs, mais qu’a donc prévu la nature contre le renard ou le sanglier qui passe ?

Le muscardin dans son nid, un drôle d'oiseau - La Salamandre
© Gilbert Hayoz

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Couverture de La Salamandre n°169

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 169  Août - Septembre 2005, article initialement paru sous le titre "Drôle d’oiseau"
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Dessins Nature

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