© Sébastien Tournier

Lumières sur le décor

Sébastien Tournier s’arrête là où les autres passent tout droit. Ses images révèlent les beautés oubliées de l'automne.

Sébastien Tournier s’arrête là où les autres passent tout droit. Ses images révèlent les beautés oubliées de l'automne.

Le réveil sonne. Coup d’œil par la fenêtre. Un pâle soleil perce les brumes d’ automne. Et si aujourd’hui je m’intéressais à l’insignifiant ? Pourquoi pas aux mauvaises herbes qui bordent le chemin, aux champignons négligés car non comestibles ou aux silhouettes des arbres dénudés? C’est décidé, je vais me focaliser sur les éléments que l’on côtoie lors de nos sorties naturalistes ou des promenades en famille. Ce décor si rarement mis en valeur par la photographie, le dessin ou la peinture.

Appareil et objectifs rejoignent mes chaussures de marche dans le coffre de la voiture. Je traverse les bois et, un quart d’heure plus tard, je me gare le long d’un chemin d’exploitation. Depuis là, un sentier mène vers une forêt enchantée d’un petit massif du sud du Revermont, dans le département de l’Ain. Des prairies sèches tapissent les pentes exposées au sud et quelques chênes et hêtres complètent le cadre.

C’est alors que je remarque les reflets de vieux chênes qui se détachent sur fond de flaque.

L’air est frais, mais chargé de mon matériel photo je me réchauffe dès les premiers pas sur le tapis rouge de feuilles humides. Les rayons encore rasants révèlent des formes énigmatiques adossées à une souche. Emerveillé par ces lutins, je m’approche. Quelques centimètres de haut, un chapeau et un pied tout fin : ce sont des champignons saprophytes. Rien d’incroyable au premier abord. En m’allongeant dans le sous-bois, la lumière qui se reflète dans le petit ruisseau de l’arrière-plan m’incite à sortir mon boîtier. Clic-clac. Quelques minutes plus tard, une grenouille rousse quitte bruyamment une ornière inondée dans un chemin forestier. C’est alors que je remarque les reflets de vieux chênes qui se détachent sur fond de flaque. Je tente de composer une image en intégrant à la fois les débris végétaux dans l’eau et le reflet des arbres. Infiniment petit et infiniment grand se rencontrent le temps d’un cliché.

La mauvaise herbe devient une princesse insolite.

Le paysage change tandis que je gravis une colline. Les chênes majestueux se raréfient au profit des pentes herbeuses et des murets de pierres. Au détour d’un virage, j’aperçois à travers une trouée dans une haie de buis des cardères sauvages qui brillent à contre-jour. J’ai toujours été fasciné par ces plantes à la fois délicates et agressives avec leurs piquants acérés. Leurs inflorescences fanées baignent dans une lumière dorée. Je m’agenouille à leur hauteur et fais la mise au point sur les fleurs à travers les buissons. Le diaphragme grand ouvert estompe la haie et habille mes mannequins épineux de formes mouvantes et mystérieuses. La mauvaise herbe devient une princesse insolite. Il suffit de s’arrêter pour le voir.

Au cabaret des oiseaux

Amoureuse du soleil, la cardère sauvage s’épanouit sur les talus, les bords de chemins ou les friches. Elle fleurit de juillet à août, mais garde son charme pendant tout l’hiver lorsque linottes, chardonnerets ou verdiers viennent manger ses graines. Malgré ses épines, cette plante n’est pas une astéracée comme les chardons, mais une dipsacacée, c’est-à-dire une grande sœur des scabieuses, knauties ou succises. Son nom latin Dipsacus dériverait du grec dipsa signifiant soif. Il ferait allusion à ses feuilles soudées par deux contre la tige et qui retiennent la pluie. Attirés par ces flaques suspendues, moineaux et compagnie viennent s’y baigner ou s’abreuver, ce qui a valu à la cardère le joli nom populaire de cabaret des oiseaux.

Sébastien Tournier

Sébastien Tournier

sebastientournier.com

  • 1985 Naissance à Annecy, en Haute-Savoie
  • 1990 Premières sorties aux champignons avec son grand-père
  • 2008 Diplôme d’Ingénierie environnementale et développement durable des territoires
  • 2014 Expose au Festival photo de Montier-en-Der
Couverture de La Salamandre n°236

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 236  Octobre - Novembre 2016

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