© Hélène Tobler

Cet article fait partie du dossier

Portraits de friches

Déprise agricole et biodiversité

Quel avenir pour les alpages? Délaissés par les paysans de montagne, certains pâturages autrefois si âprement pris à la forêt sont rendus à la nature sauvage.

Quel avenir pour les alpages? Délaissés par les paysans de montagne, certains pâturages autrefois si âprement pris à la forêt sont rendus à la nature sauvage.

En Suisse, laisser une terre agricole en friche est soumis à autorisation. On craint que des plantes indésirables comme les rumex ou le chardon des champs ne diffusent dans les cultures proches. Du coup, on n'en rencontre guère. Les bandes de terre où poussent en pagaille molènes, cardères, tanaisie, chicorée ou luzerne ne sont donc pas des friches à proprement parler mais des jachères semées. Les agriculteurs touchent des subventions pour ces milieux riches en espèces et remis en culture après trois ou six ans. Elles sont parfois fauchées à l'automne à partir de la deuxième année. Quant aux « mauvaises herbes », elles sont arrachées à la main ou traitées chimiquement.

Rumex
Les rumex ne sont pas les bienvenues sur les terres agricoles. / © Hélène Tobler
Fleurs de jachères
Les premiers mélanges pour jachères, dans les années 1990, contenaient des semences originaires de différents pays qui polluaient génétiquement la flore indigènes. Aujourd'hui, on privilégie quand cela est possible des graines d'origine locale. Ici la centaurée et la bourse à pasteur. / © Benoît Renevey

Le spectre de l'églantier

La gestion propre et soignée des terres marque le pas chez les agriculteurs de montagne. Pression économique oblige, on manque de temps et de main- d'œuvre pour exploiter les talus pentus et les parcelles éloignées. Si ces fausses friches présentent un maximum de biodiversité durant les premières années après la déprise, profitant aux insectes et aux oiseaux, le milieu s'appauvrit ensuite rapidement. Les églantiers s'épanouissent, les jeunes épicéas franchissent la limite de la lisière et s'installent durablement.
En trente ans, la surface forestière a ainsi augmenté de 14,8% dans les Alpes suisses. Les protecteurs de la nature n'ont évidemment rien contre, mais ils n'entendent pas laisser les arbres s'installer sur des prairies sèches où s'épanouissent des plantes rares. Des fleurs pour lesquelles on s'alarme aujourd'hui et qui poussaient facilement il y a quelques siècles de cela, avant que l'on ne défriche en masse. « Incendies, éboulements, attaques de bostryches et présence de grands herbivores contribuaient à maintenir des zones ouvertes » , explique Marcus Ulber, chef de projet « Politique forestière » chez Pro Natura.

Biquettes à la rescousse

Depuis quelques années, gestionnaires de la nature et milieux agricoles réfléchissent à la gestion des pâturages abandonnés. « Des troupeaux de chèvres itinérants seraient une bonne solution pour maintenir des zones semi-ouvertes » , analyse Pierre Praz, ingénieur agronome à l'AGRIDEA, à Lausanne. « En broutant les buissons, les caprins limitent leur développement. Cette mesure moins coûteuse que la débroussailleuse doit cependant s'accompagner d'un suivi botanique afin d'évaluer la pression de pâture la plus adaptée. » Des bêtes à la place des machines pour retrouver la flore d'antan ? Une image à l'allure de carte postale qui colle bien avec nos alpages.

Déprise agricole
© Aino Adriaens

Au Sud, on arrache les ceps

En France aussi, le phénomène de la déprise agricole est localisé principalement dans les régions montagnardes ou semi-montagnardes. Il se concentre ainsi au sein du monde méditerranéen. On en trouve aussi dans les terres plus plates de Bretagne. Les friches sont très réduites, voire parfois inexistantes, dans le reste du pays. Dans le Midi, elles gagnent du terrain sur des surfaces inattendues, les vignes. En raison de mauvaises récoltes ou de main-d'œuvre trop coûteuse, on préfère aujourd'hui en Ardèche délaisser le sécateur et – c'était le cas jusqu'en 2010 – toucher une prime à l'arrachage. Des milliers d'hectares de ceps y ont été déracinés ces dernières années. La friche grignote ainsi des terres à mesure que les agriculteurs partent à la retraite. Autrefois assimilée au repos de la terre, elle est aujourd'hui le symbole d'une agriculture en crise.

Eglantier
Eglantier / © Jérôme Gremaud

Pionnier éradiqué

L'églantier est un des premiers arbustes à prendre racine sur un pâturage abandonné. Son élimination des terres cultivées de façon intensive est une des causes de la raréfaction de la pie-grièche écorcheur. L'oiseau insectivore utilise ses épines pour empaler ses proies.

Une friche, un chiffre :

0 ha Telle est la surface officielle de friche... en France comme en Suisse. Cetains chiffres existent, mais ils ne sont pas fiables. Preuve, sans doute, que la friche dérange.

Lisez aussi l'interview de Valérie Miéville qui s'est penchée sur la perceptions des friches par les agriculteurs.

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Portraits de friches

Couverture de La Salamandre n°209

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 209  Avril - Mai 2012, article initialement paru sous le titre "Une déprise que l’on méprise"
Catégorie

Écologie

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