© Dean Gill

Le photographe suisse Dean Gill chasse les orages et les tornades

Enfant, Dean Gill reste scotché devant une tornade mémorable. Depuis, le photographe est en quête du même frisson des plaines nord-américaines au Léman.

Enfant, Dean Gill reste scotché devant une tornade mémorable. Depuis, le photographe est en quête du même frisson des plaines nord-américaines au Léman.

De la passion au métier

J’avais 5 ans. C’était le 11 septembre 1970, près de Padoue, en Italie du Nord. Le ciel devint soudain menaçant. Un orage inouï éclata en formant une violente tornade qui frôla la maison dans laquelle je me trouvais avec mes grands-parents. Une tornade ? Oui, et à l’ américaine ! La trombe se déchaîna sur la plaine vénitienne, atteignant 4 sur 5 sur l’échelle de Fujita. Derrière elle, un sillage de destruction de 60 km de long sur à peine 200 m de large et, hélas, 36 morts. Ce cataclysme aurait pu me traumatiser à vie, au point d’être terrorisé à chaque grondement de tonnerre. Au contraire, cette aventure suscita en moi curiosité et fascination. Comment un simple orage pouvait-il générer un nuage en forme d’entonnoir, capable de tout détruire sur son passage de manière presque chirurgicale ? Tout naturellement, mon intérêt se porta vers la météorologie, la science censée apporter des réponses à mes nombreuses questions.

Quelques décennies plus tard, je suis devenu météorologue. Jamais encore entièrement satisfaite, ma quête de l’extrême a continué. Mon besoin d’observer, d’entendre et d’aller au-devant de cet entonnoir si singulier et éphémère s’est fait impérieux.

Les tornades ne sont pas si rares en Europe

En Suisse et en Europe, les tornades ne sont considérées que comme des accidents météorologiques. Pour assouvir ma soif de savoir, je suis parti à plusieurs reprises débusquer ces phénomènes tourbillonnaires sur les Grandes Plaines nord-américaines, du Texas aux Dakota, dans la célèbre Tornado Alley ou allée des tornades.
Malgré mes traques fructueuses outre-Atlantique et de nombreux clichés de tornades époustouflantes, je restais sur ma faim. En faisant des recherches, j’ai constaté que certaines régions du continent européen, à l’instar de l’Italie du Nord, présentaient de nombreuses similitudes avec la Tornado Alley… à une échelle réduite. D’ailleurs, grâce à la popularisation des appareils photo et des smartphones, les images de tornades et de trombes européennes sont devenues de plus en plus courantes. Ma tornade de 1970 n’était donc pas un accident de la nature, mais un événement plus courant qu’on ne l’imagine.

Je me suis dès lors focalisé sur cette nouvelle terra incognita : le Vieux Continent. Avec une configuration géographique et météorologique plus complexe que celle d’Amérique du Nord, la quête de ces phénomènes se révèle un exercice subtil. Le résultat n’en est que plus gratifiant à mes yeux.
Délaissant les vols transatlantiques polluants, j’arpente désormais les terres qui ont fait naître mon étrange passion, en cherchant en quelque sorte à retrouver la madeleine de Proust de mon enfance. Une madeleine foudroyante qui peut se montrer à la fois belle, colérique et impitoyable, mais qui impose toujours respect et humilité. En attendant de réussir le cliché parfait d’une tornade sur le Léman ou le lac de Constance, je vous partage cette image d’une trombe marine qui a touché terre un matin d’août 2014 en Ligurie. Elle n’a heureusement pas causé de dégâts. Que des émotions.

Choper l’éclair, pas la foudre

L’orage est spectaculaire, la tornade tout autant. Mais n’est-il pas dangereux de les photographier ? Selon notre expert, statistiquement, tout dépend de la distance entre le photographe et son sujet. Il faut savoir que la foudre frappe le plus à la lisière du rideau de précipitations, là où les prises de vues sont peu intéressantes, du moment… qu’il pleut. Un conseil ? Eloignez-vous de l’orage pour apprécier sa structure, ses éclairs intranuageux et lui tirer le portrait. Sachez néanmoins que le risque zéro n’existe pas : la foudre peut frapper à 10 km du cœur d’une activité orageuse, même dans le bleu. La prudence est de mise.

Tornade sur lit de chou-fleur

L’orage violent est l’ingrédient de base des tornades. Concrètement, placez de l’air humide et chaud près du sol et de l’air froid en altitude. Le premier aura tendance à former de grosses bulles d’air qui s’élèvent en se refroidissant pour donner de gros nuages en chou-fleur : les cumulonimbus ou nuages d’orages. Ajoutez du vent de force et de direction fortement variables selon l’altitude et laissez mijoter. L’orage devient tourbillonnaire et peut alors évoluer en tornade. En préparant cette recette au-dessus du lac ou de la mer, vous obtenez une trombe lacustre ou marine. A déguster avec modération.

Découvrez pourquoi les orages produisent des éclairs et du tonnerre.

Dean Gill

Météorologue prévisionniste chez MétéoSuisse à Genève et photographe, Dean Gill a le profil parfait du chasseur d’orages. Ce cocktail de passion et de travail l’amène à étudier et immortaliser les phénomènes extrêmes tels que les orages et les tornades en Suisse, en Europe et à travers le monde.

Couverture de La Salamandre n°252

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 252  Juin - Jullet 2019, article initialement paru sous le titre "Une tornade pour madeleine"
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