© Erwan Balança

Contre vents et marées

Enfant de l’océan, le photographe Erwan Balança explore les côtes bretonnes depuis 40 ans. Rencontres éphémères.

Enfant de l’océan, le photographe Erwan Balança explore les côtes bretonnes depuis 40 ans. Rencontres éphémères.

Pour le biologiste, l’estran est la zone de balancement des marées. Pour moi enfant, c’était la grève, tout simplement. J’ai grandi dans un petit village de Bretagne, sur le littoral du Morbihan, à quelques centaines de mètres de ce fabuleux terrain de jeu qu’est la côte. Je guettais les grandes marées pour repérer celles qui dépassaient le coefficient de 80 ou celles qui allaient se retirer suffisamment loin et permettre d’accéder à des zones rarement découvertes. Je passais des heures à fouiller sous les blocs, dans les flaques, au bord des crevasses parsemées de goémons et autres algues. A l’époque, ma recherche était orientée vers des espèces consommables : araignées, crabes, ormeaux…

Dès que l’on descend un peu, la vie marine devient rapidement luxuriante.

En Bretagne, les estrans sont très étendus car la différence de niveau entre haute et basse mer est importante. Sur les côtes, la conséquence en est souvent spectaculaire. Deux fois par jour, le jusant expose à l’air libre d’immenses dédales de roches, chenaux et chaussées. Entre mer et terre, animaux et algues sont adaptés à des temps d’émersion plus ou moins longs.
Dès que l’on descend un peu, la vie marine devient rapidement luxuriante, riche de formes et de couleurs. Sur les îlots rocheux comme ceux qui entourent Sein ou Molène, les biologistes ont recensé 500 espèces d’algues et d’animaux dans la zone de balancement des marées : étoiles de mer, anémones, oursins, crevettes, éponges, holothuries, littorines, pourpres, annélides, galathées et autres balanes.

Je me rends sur place à marée basse, voire un peu avant pour assister au spectacle de la mer qui part.

Ce foisonnement de vie était un vrai régal pour le gamin passionné de nature que j’étais. Il l’est toujours aujourd’hui pour le photographe que je suis devenu… Certains dessous de blocs sont tapissés d’une mosaïque de bleu profond, de rouge, de jaune vif, de mauve. Mais attention, il faut respecter ces écosystèmes fragiles. Il est important de remettre rapidement en place tout caillou déplacé pour ne pas exposer à la mort les êtres vivants qui y habitent.
C’est assez naturellement que j’ai commencé à photographier ces lieux et leurs habitants. Ma démarche est toujours la même. Je me rends sur place à marée basse, voire un peu avant pour assister au spectacle de la mer qui part. Aux grandes marées, on peut parfois admirer des espèces animales qui n’ont pas l’habitude d’être exondées, ni la possibilité de l’être sans dommage. C’est le cas de l’ophiure fragile ou encore du concombre de mer. Mais le photographe n’a pas forcément besoin de la marée du siècle.

Caressé par le vent et bercé par le bruit lointain du ressac, je me perds dans ses yeux profonds.

Ainsi, lors d’une basse mer de coefficient moyen, je trouve cette étrille en retournant un bloc. Je connais bien ce crabe rapide et farouche pour l’avoir souvent pêché lors de mon enfance. Miraculeusement, la belle reste pour une fois cachée dans les algues. Rouge dans le rouge, elle semble totalement confiante dans son mimétisme. L’harmonie des couleurs m’enchante. Je m’allonge à plat ventre et commence à la photographier. Caressé par le vent et bercé par le bruit lointain du ressac, je me perds dans ses yeux profonds. C’est le retour de l’océan contre mes bottes qui me réveille doucement…

Propos recueillis par Alessandro Staehli

Trésors d’estran

A peine plus grande qu’un grain de maïs, la littorine obtuse est un escargot de mer à la coquille jaune. Aussi nommé bigorneau jaune, ce gastéropode craint le dessèchement. Il survit à marée basse grâce à l’humidité des massifs d’algues. Dérangé, il se rétracte dans sa coquille et peut être facilement décollé des rochers.

En revanche, ses voisines les balanes sont toujours solidement ancrées au substrat. Ces crustacés mènent une vie sédentaire et ne peuvent s’alimenter par filtration que pendant les phases de pleine mer.

Etrange étrille

Deux yeux rouge vif logés sur le bord d’une carapace grossièrement dentée et poilue… Tel est le portrait de l’étrille, un crabe répandu sur les côtes du nord-est de l’Atlantique mais aussi de Méditerranée. Ce crustacé possède des pattes arrière lobées, parfaitement adaptées à la nage. Il vit jusqu’à 70 m de profondeur et se rapproche des côtes au printemps. Il s’observe souvent sur les surplombs rocheux tapissés d’algues. Réputée pour sa voracité, l’étrille possède une paire de pinces très pointues qu’elle utilise pour se défendre et capturer petits poissons, crevettes et étoiles de mer.

Erwan Balança / © Erwan Balança

Erwan Balança

erwanbalanca.com

  • 1972 Naissance à Kerham (56)
  • 2002 Premier prix catégorie oiseaux au Festival de la photographie animalière de Montier-en-Der
  • 2015 Bretagne terre sauvage, son 18e livre photo

Pour en savoir plus

Consultez notre article Basse mer pleine de vie et Délire de mer, qui rasemble quelques autres photos extraordinaires.

Couverture de La Salamandre n°232

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 232  Février - Mars 2016

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