© Christophe Salin

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Fourmi land

Comment les fourmis arrivent-elles à vivre en société ?

Chez les fourmis, personne ne gouverne. Tout le monde coopère. Et communique essentiellement via phéromones. Récapitulatif d'une vie en réseau.

Chez les fourmis, personne ne gouverne. Tout le monde coopère. Et communique essentiellement via phéromones. Récapitulatif d'une vie en réseau.

Conquérantes miniatures, les fourmis en imposent à la planète entière. Seules les zones franchement froides du Groenland et des pôles leur ont résisté. La vie en société est la clé de ce succès. D'ailleurs, on ne connaît aucune fourmi solitaire, ni vivante, ni fossile. Les spécialistes supposent que les premières à développer des colonies vivaient il y a plus de 80 millions d'années. Elles devaient se comporter comme Nothomyrmecia, fourmi primitive australienne qui forme des sociétés rudimentaires. L'anatomie de la reine et des ouvrières est semblable. Les contacts entre individus sont rares et la trophallaxie ou échange de nourriture n'existe pas.

Société au top

Certaines fourmilières ne comptent que quelques individus tandis que d'autres regroupent des milliers de reines et des millions d'ouvrières. Comme les abeilles et les termites, les fourmis ont atteint le plus haut degré de la vie sociale. Plusieurs critères définissent cette eusocialité : l'existence de castes avec d'un côté des sexués qui se reproduisent et de l'autre des ouvrières stériles qui prennent en charge toutes les autres tâches, la coopération des ouvrières sœurs pour élever des jeunes qui ne sont pas les leurs et enfin l'aide que les filles donnent à leur mère dans l'accomplissement des corvées.

Nourrices et couvain de fourmi en photo
Nourrices du genre Lasius qui prennent soin du couvain. Les gros cocons donneront des reines et des mâles, les plus petits des ouvrières. / © Stéphane Vitzthum

Stériles pour la cause

Mais pourquoi les ouvrières renoncent-elles à élever leur propre progéniture ? Parce que ce sont les gènes qui mènent la danse et que la génétique des fourmis est très différente de la nôtre. Une femme ou un homme possède, comme l'écrasante majorité des vertébrés, 50% de gènes en commun avec ses enfants, de même qu'avec ses frères et sœurs. La biologie des fourmis est telle qu'une ouvrière possède 75% de gènes en commun avec ses sœurs et 25% avec ses frères. Si elle se reproduisait, elle ne partagerait que 50% de son patrimoine génétique avec ses petits. Pour voir ses gênes se perpétuer le plus possible, mieux vaut s'occuper à vie de sa mère et de ses innombrables sœurs.

Photo d'ne fourmi qui amène sa soeur à la fourmilière
Une ouvrière Myrmica scabrinodis agrippe sa sœur pour la transporter et la ramener à la fourmilière. / © Philippe Lebeaux

L'union fait la force

La vie en communauté permet aussi aux reines de se concentrer sur la ponte tandis que les ouvrières se chargent du reste de l'ouvrage. Ainsi, les fourmis surpassent les performances des insectes solitaires dans de nombreuses disciplines : elles collectent plus de nourriture, se défendent plus efficacement contre des prédateurs cent fois plus grands qu'elles, développent des bâtiments à l'architecture complexe et vivent plus longtemps !

Fourmis transportant un syrphe
Ces fourmis de la famille des Myrmicinae organisent en groupe le transport d'un syrphe mort. / © Philippe Lebeaux

Communiquer pour mieux régner

Une condition fondamentale pour maintenir la cohésion de ces sociétés est la bonne circulation de l'information qui permet d'assurer ravitaillement et défense avec une efficacité optimale. Chez les fourmis, on communique chimique grâce à des substances appelées phéromones. Les scientifiques ont identifié 39 glandes sur leur squelette externe qui produisent autant de messages olfactifs.

Ouvrières de Camponotus vagus en photo
Ouvrières de Camponotus vagus à la sortie de leur nid creusé dans le bois mort. / © Philippe Lebeaux

Lors de l'attaque d'un prédateur par exemple, les ouvrières envoient des alertes chimiques. Ces SOS déclenchent d'abord la panique et les fourmis partent en tout sens. Puis elles deviennent agressives et se dirigent vers l'importun pour le mordre et le piquer. Tant que le danger persiste, des phéromones d'alarme sont pulvérisées dans l'air. Mais ces substances sont très volatiles, si bien que, dès que la menace est écartée, les insectes reprennent leurs activités.

La reine, quant à elle, produit ses propres cocktails, des phéromones de cour qui incitent les ouvrières à rester près d'elle et à la soigner. D'autres parfums permettent aux ouvrières de se reconnaître entre elles. L'odeur est la carte d'identité de chaque individu. C'est elle qui déterminera par exemple si une ouvrière pourra ou non entrer dans une colonie. Infailliblement identifiée, toute étrangère sera chassée sans ménagement.

Photo de fourmis s'échangeant du miellat
Deux camponotes fourrageuses s'échangent du miellat par trophallaxie. Sous leurs pattes, les pucerons qu'elles élèvent. / © Simon Bugnon

Suivez-moi !

L'arsenal chimique des fourmis comprend d'autres odeurs indispensables à l'organisation des travailleuses : les phéromones de piste. Lorsqu'une ouvrière trouve une source de nourriture liquide ou trop volumineuse pour la porter seule, elle retourne au nid en frottant son aiguillon ou l'extrémité de son abdomen à intervalles réguliers sur le sol. Elle balise ainsi le chemin de repères olfactifs que d'autres ouvrières vont suivre et renforcer. Tant que le butin n'a pas entièrement été collecté, la piste odorante est maintenue. Puis elle s'évapore. Les ouvrières du genre Leptothorax sont capables de différencier leur piste personnelle de celle de leurs congénères.

Chez Myrmica rubra , couramment appelée fourmi rouge, les signaux déposés sont différents selon l'aliment : si elle trouve de l'eau, l'ouvrière laisse de longues traces odorantes sur le sol. S'il y a du sucre, la piste est plus marquée avec des signes plus longs et plus fréquents. Et enfin, ultime subtilité, la fourrageuse ne pose pas toujours des jalons du même parfum. Elle utilisera la glande de Dufour pour l'aller, et la glande à poison pour le retour. En bref, l'information est le ciment de la vie sociale des fourmis. D'où quelques applications prometteuses pour nous…

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Couverture de La Salamandre n°206

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 206  Octobre - Novembre 2011, article initialement paru sous le titre "Ensemble, c’est tout"
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