© Benoît Renevey

Sarine, rêve de guignette

Au cœur du Pays-d’Enhaut, une rivière farouche attend le retour de son chevalier à plumes. Le verrons-nous aujourd’hui au bord de la belle Sarine ?

Au cœur du Pays-d’Enhaut, une rivière farouche attend le retour de son chevalier à plumes. Le verrons-nous aujourd’hui au bord de la belle Sarine ?

De lourds nuages noirs s’attardent encore dans le ciel, mais les pluies orageuses de la nuit se sont calmées. Le tumulte des flots se fait entendre de loin. La Sarine ! Après avoir pris sa source en Valais, dans la région du Sanetsch et parcouru le sud-ouest du canton de Berne, la rivière caresse sur quelques kilomètres les Préalpes vaudoises.

Crues bienvenues

Depuis le pont Turrian, le premier coup d’œil est spectaculaire. En bas, le courant de la Sarine est vif. On imagine aisément les forces en action lors des crues printanières. Aujourd’hui, l’orage a grossi un peu la rivière mais pas de quoi déstabiliser les berges. D’ailleurs, une grande partie des plages de galets sont dégagées.

Dans une rivière qui n’a pas été corsetée par l’homme, une crue exceptionnelle peut bouleverser le milieu en quelques heures, arrachant un bouquet d’arbres, mettant à nue une étendue de gravier ou isolant un bras en déposant des alluvions. Cette dynamique profite à l’exceptionnelle biodiversité du milieu fluvial. En quelques heures, les éléments créent ce que l’on recherche lors de revitalisations complexes et onéreuses.

Tropical local

Sur les berges sablonneuses, les pétasites étalent leurs feuilles parasols, prenant sans partage la lumière nécessaire à leur croissance. Il est vrai qu’aujourd’hui elles font plutôt parapluie ! Le feuillage des grands arbres laisse tomber les dernières gouttes. Dans cette atmosphère humide, la forêt alluviale prend des allures tropicales. Le sous-bois est luxuriant : mousses et lichens tapissent les arbres morts, champignons et fougères de toutes sortes dessinent des nuances de vert à l’infini. Au bord du chemin, une salamandre noire va son bonhomme de chemin, appréciant la fraîcheur et l’humidité ambiantes.

Espoir passager

Le ciel se déchire, quelques rayons de soleil scintillent entre les galets. Une bergeronnette des ruisseaux s’étire et prend soin de son plumage avec application. Ces plages caillouteuses accueillent parfois un hôte de choix, le rare chevalier guignette. Ici, deux à trois familles de cet oiseau voyaient encore le jour en 2000 mais hélas, la dernière nidification probable date de 2011.

Aujourd’hui, la chance nous sourit. Un individu en migration a fait une halte. Hochant constamment la queue, il cherche insectes et larves entre les pierres. La mise sous protection du secteur ainsi que des travaux de revitalisation visent à favoriser le retour d’une population nicheuse. Souhaitons que d’ici peu, les rives de la Sarine soient à nouveau animées au printemps par le vol nuptial de ce délicat échassier.

Eclairage par Christian Roulier

Christian Roulier

Christian Roulier

Directeur du bureau Service conseil Zones alluviales

  • 1955 Naissance à Yverdon-les-Bains (Vaud)
  • 1980 Diplôme de biologie à l’Université de Neuchâtel
  • 1996 Thèse sur les zones alluviales Depuis
  • 1992 Travaille dans la gestion des cours d’eau suisses

C’est le limicole le plus fréquemment observé au bord de nos rivières et de nos lacs mais, paradoxalement, c’est aussi devenu l’un des oiseaux nicheurs les plus rares de Suisse. Reconnaissable aux hochements de son arrière-train lorsqu’il marche, le chevalier guignette affectionne toute sorte de rivages lors de ses haltes migratoires ou en hivernage.

« Mais pour se reproduire, il lui faut de grands cours d’eau libres et sauvages, modelés par les crues » , explique Christian Roulier, spécialiste des zones alluviales. Des milieux malheureusement devenus de plus en plus rares.

«Ici, dans la réserve de l’île des Ouges, cet oiseau a souffert des extractions de gravier qui ont creusé le lit de la rivière et provoqué le développement d’épicéas jusque dans les aulnaies blanches des îles de la Sarine » , détaille le biologiste.

Heureusement, il y a une dizaine d’années, les prélèvements ont cessé au Ramaclé. « Depuis, l’île des Ouges et le lit de la Sarine se sont renouvelés : des bancs de gravier neufs s’y déposent et la végétation pionnière colonise petit à petit ces nouveaux milieux. » Une situation idéale pour le guignette.

Sauf que malheureusement, le petit échassier n’est pas revenu. « Il a abandonné la plupart de ses sites de nidification de la Sarine et aussi de la Gérine et de la Singine toutes proches » , note Christian Roulier. A Finges en Valais, des mesures de gestion du lit et des îles du Rhône ont favorisé ce limicole… Espérons que le tournant sauvage pris par la Sarine soit récompensé de la même manière.

Itinéraire

Accédez à la carte détaillée de cette balade dans le PDF en bas de page.

Distance: 4,5 km

Dénivelé: 160 m de montée, 130 m de descente

Durée: 2h

  • (1) Depuis la gare CFF, descendre vers Les Riaux et la Sarine.
  • (2) Traverser le pont Turrian et prendre à gauche pour remonter la rivière.
  • (3) Virer à gauche, suivre la route goudronnée traversant La Tonna pour ensuite descendre jusqu’à la Sarine.
  • (4) Passer le pont et remonter jusqu’à la gare CFF des Granges (5).

Variante

Distance: 2,2 km

Dénivelé: 120 m de montée, 190 m de descente

Durée: 1 h

  • Pour prolonger la balade, au point (6) prendre à droite et remonter vers Les Craux.
  • (7) Poursuivre tout droit sur le sentier en passant sous les rochers des Bochaires.
  • (8) Au milieu du pâturage, tourner à droite et descendre jusqu’à Granges-d’Oex.
  • (9) Continuer sur le chemin de droite et rejoindre le pont Turrian en (2).

Château-d’Oex est joignable en train. Horaires et correspondances sur cff.ch

Manger & dormir

Dormir sur la paille, dans un tipi ou tout simplement à l’hôtel ? Choisissez votre logement et découvrez les offres culinaires de cette région.

Matériel & règles d'or

  • Tenez votre chien en laisse pour ne pas déranger les oiseaux nichant sur les galets.
  • Restez sur les rives : l’île des Ouges est interdite d’accès.
  • Surveillez la rivière : le niveau de la Sarine peut fluctuer rapidement.

Ailleurs dans la région…

A) La Maison de l’Etivaz Situé à 6 km à vol d’oiseau de Château-d’Oex, le hameau de L’Etivaz est le berceau du célèbre fromage du même nom. Visitez la Maison de l’Etivaz pour savourer la production artisanale de cette gourmandise préparée dans de grands chaudrons en cuivre à la chaleur directe du feu de bois !

B) Parc naturel Gruyère Pays-d’Enhaut L’île des Ouges et l’escapade proposée se situent au cœur du Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut. Caractérisé par son identité préalpine et son économie alpestre très active, ce territoire offre de magnifiques possibilités pour des randonnées inoubliables dans des paysages superbes.

C) Musée du Vieux Pays-d’Enhaut Chambres à coucher, cuisines, vaisselle, cloches de vaches ou encore aquarelles d’artistes de la fin du XVIIIe siècle : au Musée du Vieux Pays-d’Enhaut à Château-d’Oex, vous remontez le temps pour découvrir l’ambiance des demeures d’autrefois. Un voyage marquant à effectuer tous les après-midi sauf le lundi.

D) Sentier botanique des Choucas La région de Château-d’Oex abrite une flore typique des Préalpes calcaires occidentales. En suivant cet itinéraire didactique vous apprenez à reconnaître de nombreuses plantes typiques des milieux traversés grâce à des panneaux explicatifs.

Nature vaudoise: Escapades dans 21 réserves naturelles - A.-C. Plumettaz Clot, F. Burnier, B. Renevey et L. Willenegger, Pro Natura Vaud et Rossolis

Prendre la clé des champs Fatigués des trains bondés ou du vacarme du trafic ? Prenez de l’air dans l’une des 21 réserves naturelles de Pro Natura présentées dans Nature vaudoise, un livre dont est inspirée cette escapade.

Couverture de La Salamandre n°235

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 235  août - septembre 2016
Catégorie

Balades

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