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Qui es-tu renard ?

Le renard, nuisible ou pas nuisible ?

Certains pourchassent le renard en le qualifiant de nuisible, d'autres le protègent. Exemples contrastés dans les Vosges et à Genève.

Certains pourchassent le renard en le qualifiant de nuisible, d'autres le protègent. Exemples contrastés dans les Vosges et à Genève.

Renard vient du vieux francique Reginhart, un prénom qui signifie rusé, comme Reinhardt ou Renaud. Autrefois pourtant, on l’appelait goupil, dérivé du latin vulpes qui désignait cet animal… Mais la prodigieuse renommée du Roman de Renart est passée par là. Cette succession d’histoires écrites par différents auteurs entre 1171 et 1250 renforce l’image d’un grand malin qui retourne toutes les situations à son avantage.
On l’admire, mais en même temps on montre du doigt un antihéros ambigu. Car ce trompe-la-mort ne respecte ni sa parole, ni même Dieu. Il ridiculise les puissants comme les faibles. Tiens donc, serait-ce le Diable ? Peu à peu, renart détrône goupil. Un nom propre bien choisi qualifie désormais l’animal. Sa réputation est faite, les persécutions s’intensifient.

Renart marque des points

Qu’en est-il aujourd’hui ? Par ses prodigieuses capacités d’adaptation, le renard en beaucoup de points nous ressemble. Alors, fascinant complice ou concurrent à abattre ? Les citadins que nous sommes majoritairement devenus ne sont plus confrontés aux forfaits réels ou imaginaires des bêtes sauvages. Et puis, la science a mis en évidence le rôle essentiel qu’il joue dans la régulation des rongeurs… et fortement relativisé les torts que lui prêtent encore certains.
Tout cela plaide en sa faveur. N’empêche que dans les campagnes, goupil est encore persécuté, souvent par des moyens inavouables. Le coup classique ? Un terrier occupé par une famille obstrué par un tas de fumier, de la ferraille ou des pneus auxquels on boute le feu. En France tout d’abord, le renard peut avoir deux statuts suivant les départements. Soit gibier, c’est-à-dire chassable de septembre à mars, soit nuisible, ce qui autorise à le tirer à balles de jour comme de nuit, mais aussi à le piéger ou à le déterrer douze mois sur douze, sans aucune trêve.

Les dés sont pipés

Entre gibier et nuisible, qui décide ? Tous les trois ans, dans chaque département, les services préfectoraux examinent les fiches de dégâts agricoles qui leur ont été transmises par les éleveurs ou les agriculteurs. Si la liste des déprédations lui paraît solide, le préfet motive une demande de classement comme nuisible au Ministère de l’écologie qui confirme généralement le jugement.
Comme ces fiches sont souvent fortement sollicitées par les fédérations de chasse ou par les associations de piégeurs et qu’elles ne font l’objet d’aucun contrôle scientifique, les charges peuvent facilement s’accumuler contre le renard, mais aussi contre la fouine, la martre, le blaireau ou la belette. Ainsi goupil est officiellement considéré comme nuisible dans tout le pays sauf à Paris, en Corse et en Savoie. Autrement dit, seuls 3 départements sur 96 lui accordent cinq mois de grâce sur l’année.

Résistance dans les Vosges

Changer le cours des choses n’est pas facile. Dans le Département des Vosges par exemple, 6000 renards sont tirés à balles chaque année… et 1000 individus piégés agonisent dans des conditions peu enviables.
Ce printemps, sous l’impulsion de Claude Maurice d’Oiseaux-Nature, un collectif de cinq associations naturalistes a mené une action de défense du renard avec l’aide de scientifiques et des photographes naturalistes vosgiens Vincent Munier et Fabrice Cahez. Cette levée de boucliers a permis d’obtenir le soutien de deux des quatre députés du département et d’aller plaider sa cause jusqu’au ministère de l’Ecologie pour demander simplement qu’il quitte ce statut moyenâgeux de nuisible pour celui d’espèce chassable. Peine perdue. Un recours a finalement été déposé au Conseil d’Etat avec le mince espoir qu’il fasse jurisprudence… mais il a été rejeté fin juillet.

Coups de fusil en baisse

En Suisse, la chasse au renard est théoriquement ouverte de la mi-juin jusqu’à début mars, mais il y a de moins en moins de chasseurs intéressés par cet animal. Malgré l’augmentation régulière de la population de ce canidé, les prélèvements diminuent progressivement. L’an dernier, ils ont totalisé environ 25 000 individus pour tout le pays.

Pas nuisible à Genève

Et puis, cas particulier entre tous, il y a le Canton de Genève où, depuis un vote populaire historique en 1974, la chasse est strictement interdite. Quarante ans plus tard, la faune sauvage se porte bien sur le territoire cantonal. Le sanglier et le cerf sont de retour, le chevreuil est en pleine forme et le lièvre atteint des densités record pour la Suisse. Mais Gottlieb Dändliker, inspecteur cantonal de la faune, nuance : « Avec une chasse bien gérée, on en serait peut-être aussi là aujourd’hui. Pour moi, cette interdiction de la chasse est surtout un succès dans la mesure où elle est plébiscitée par la population. Et les coûts qui en découlent sont extrêmement modestes. »

Et le renard dans tout ça ?

Comme ailleurs, une fois la rage disparue, le renard a rétabli ses effectifs et colonisé les espaces urbains où sa densité est aujourd’hui plus élevée qu’à la campagne. L’épidémie de gale du début des années 2000 a fait de la casse mais la sélection naturelle a restauré un équilibre. Aujourd’hui, la gale frappe toujours, mais de nombreux individus sont devenus résistants.
A Genève, goupil est bien accepté par la population. Il ne provoque pratiquement pas de dégâts et aucun souci sanitaire particulier. Là où subsistent des milieux favorables, il n’empêche pas les lièvres de bien se porter. Seule ombre au tableau, la densité élevée de ce prédateur a probablement contribué à l’échec du projet de réintroduction de perdrix grises dans le Canton. Mais Gottlieb Dändliker s’est fait une raison « Evidemment, il est triste qu’on n’ait pas pu maintenir cette dernière population de perdrix grises de Suisse… mais après tout, ce gallinacé a été introduit par l’homme comme gibier. Faisait-il vraiment partie de notre faune ?»

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Couverture de La Salamandre n°231

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 231  Décembre 2015 - Janvier 2016, article initialement paru sous le titre "Nuisible ?"
Catégorie

Écologie

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