© Benoît Peyre

Chapeau bas, les champignons!

Ce n’est pas qu’ils courent vite, les champignons ! Ils ne sont pas rares non plus. Et pourtant : il est facile de les rater, d’oublier de les regarder de près. Première rencontre : nez à nez, au sol, en transparence.

Ce n’est pas qu’ils courent vite, les champignons ! Ils ne sont pas rares non plus. Et pourtant : il est facile de les rater, d’oublier de les regarder de près. Première rencontre : nez à nez, au sol, en transparence.

A en croire les dictionnaires, la nature du champignon est sans équivoque : « végétal sans fleur ni feuille, possédant généralement un pied et un chapeau » . Pas si simple ! D’abord, ce que l’on appelle couramment champignon n’est que l’organe reproducteur d’un organisme caché, la pointe visible d’un iceberg qui émerge à la surface de la forêt. C’est sous terre ou dans la matière organique que se déroule l’essentiel de la vie de cet être énigmatique sous la forme d’un réseau filamenteux souvent très étendu : le mycélium. Le champignon au sens commun, celui qui s’offre à la vue du promeneur, n’est qu’une fructification destinée à la production, puis à la dispersion des spores.

Ensuite, quoique d’apparence végétative, le champignon n’a rien d’une plante. Nulle trace chez lui de la chlorophylle qui capte l’énergie du soleil. A vrai dire, d’après les plus récentes recherches, le champignon serait plus proche de l’animal que du végétal.

Parfois, loin d’être forcément terne ou trapu, le champignon compose des transparences avec la lumière. Pour déguster pleinement ce festival translucide, il faut jouer au « coucher-regarder », s’aplatir contre le sol pour contempler d’en dessous et à contre-jour ces êtres extraordinaires. Voilà qui permet d’apprécier la transparence humide de la mucidule visqueuse ou l’orangé diaphane des trémelles mésentériques. Chlorospleinies, spathulaires, calocères visqueuses, mais aussi tricholomes décorés, hydnes gélatineux ou polypore de Forquignon… Autant de somptueux jeux de lumière, autant de surfaces subtilement affinées pour capter la chaleur environnante, pour aider la maturation des spores. Ou tout simplement pour notre plus grand bonheur.

Sans domicile fixe

Bois mort, terre, mousse, mais aussi fumier, bêtes et plantes. Dès qu’il a trouvé de quoi nourrir son réseau, le champignon s’installe, puis il voyage. Parfois, il pose même le pied dans l’eau.

Tout bon champignon qui se respecte devrait pousser sur le sol. Or, si la majorité des espèces émerge bel et bien de la mousse ou de la terre, beaucoup d’autres partent à l’assaut de supports moins attendus.

D’abord, il y a le bois mort. Il voit fructifier le cortège des champignons saprophytes, décomposeurs de matière, ouvriers indispensables au cycle du vivant. Ce sont eux qui restituent à la terre les éléments fondamentaux qui lui reviennent. Plus surprenant, quelques espèces colonisent, qui une bogue de châtaigne, qui une pomme de pin. D’autres encore profitent des déjections animales. L’illustre agaric champêtre promu champignon de Paris ne pousse-t-il pas sur du fumier de cheval ?

Il arrive également que certains champignons éclosent sur d’autres espèces. De la mycophagie, en quelque sorte. Dans certains cas, cela aboutit à une sorte d’équilibre. Ainsi le bolet parasite part-il régulièrement à l’assaut du scléroderme vulgaire sans porter préjudice à ce dernier.

Et dans l’eau ? Même un rameau pourri totalement détrempé ou submergé peut être colonisé par la vibrisse des branches. Sans oublier les champignons parasites de plantes ou d’animaux. Bref, pratiquement tous les supports possibles ont été colonisés par le règne fongique.

Folle sarabande

Nul besoin de consommer des champignons magiques pour entrer dans la folle ronde de leurs métamorphoses. La seule contemplation du règne fongique fait voir du pays. Abri pour les lutins des forêts, tout champignon vivrait forcément dressé sur un pied solide – le stipe – surmonté d’un couvre-chef coloré. La réalité est infiniment plus diverse. Beaucoup revêtent des formes totalement éloignées de ce standard. L’éventail des possibles va d’une assez classique étoile chez l’anthurus d’archer ou l’astrée hygrométrique jusqu’à l’improbable cordyceps militaire, bâton orange carotte difforme qui pousse sur des chrysalides d’insectes. Les vesses-de-loup perlées ont une forme d’ampoule. La magnifique pézize orangée sert de coupelle et d’abreuvoir aux fourmis. Et le sparassis crépu ?

Circonvolutionné à l’extrême, il ressemble à un chou-fleur ou à une éponge. Adieu régularité géométrique. Et vive les clavaires, véritables coraux de nos forêts.
Mais pourquoi tant de fantaisie ? L’organe reproducteur champignon, passif en apparence, immobile le plus souvent, se doit de perpétuer l’espèce. Tous les moyens sont bons, toutes les formes aussi. Les spores qui s’en échappent peuvent être dessus, dessous, dedans. Et ça marche ! La force de ces poussières de vie, c’est leur nombre et leurs formes parfois compliquées qui facilitent leur envol, leur flottaison ou leur accrochage. Chapeau !

Pour en savoir plus

Pourquoi les champignons sortent-ils surtout en automne?

Retrouvez d’autres images de Benoît Peyre :

Chapeau bas, Le monde insolite des champignons, B. Peyre, éd. Delachaux et Niestlé (à trouver d'occasion)

Ô Champignons ! Balades & ballades, B. Peyre.

Champignons de France et d’Europe occidentale, M. Bon, Flammarion

Guide des champignons de France et d’Europe, R. Courtecuisse et B. Duhem, éd. Delachaux et Niestlé

Couverture de La Salamandre n°193

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 193  Août - Septembre 2009
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