© Alexandre Scheurer

Les yeux de l’apollon

A genoux devant le divin apollon, papillon emblématique des prairies naturelles.

A genoux devant le divin apollon, papillon emblématique des prairies naturelles.

Mon goût pour les prairies ? Il remonte à l’enfance quand j’ai découvert ces milieux et leurs étranges habitants. Couchez-vous dans l’herbe : vous découvrirez un véritable microcosme. En été, proies et prédateurs jouent à cache-cache dans une dangereuse promiscuité. L’araignée thomise se tient à l’affût sous la corolle butinée par une abeille, la mante religieuse s’empare d’une sauterelle avec une détente fulgurante. Et l’ascalaphe ? Mi-papillon mi-libellule, ce chasseur coloré patrouille son bout de pré en quête de moucherons.

A chaque rencontre avec ce lépidoptère, c’est comme si c’était la première fois !

En Valais, je me promène régulièrement autour de chez moi, près de Martigny. Surtout entre juin et septembre, lorsque fleurs et insectes abondent. Mes balades me mènent souvent à une prairie maigre et à une colline aride… Avec l’espoir de croiser à nouveau le joyau des lieux : l’ apollon. Symbole de la beauté fragile des prairies, ce papillon blanc cassé porte des taches rouges bordées de noir sur les ailes postérieures. Comme de faux yeux pour effrayer les prédateurs.

A chaque rencontre avec ce lépidoptère, c’est comme si c’était la première fois ! Je tourne autour de l’insecte et m’assieds ou m’agenouille pour trouver une perspective différente. Cet après-midi-là, je surprends un bel apollon posé sur une fleur de scabieuse. Je le rejoins à pas de loup, mais je réalise qu’il ne m’est pas possible de saisir cette scène de façon classique, depuis le dessus...

Au final, cette contrainte joue en faveur de l’originalité du cliché.

Un talus raide situé en contrebas m’obligerait à piétiner l’herbe de fauche… Pas question ! Pendant mes jeunes années dans le val d’Illiez, j’ai appris des paysans qu’il est criminel de piter l’herbe. Alors, par respect pour l’agriculteur qui gère cette prairie, je me couche en lisière… Au final, cette contrainte joue en faveur de l’originalité du cliché. La perspective particulière met en évidence les détails de l’aile en les projetant sur fond de ciel gris juste avant la pluie.

Mon manège autour du papillon finit par éveiller la curiosité du propriétaire du terrain. Mes explications enthousiastes le confortent dans son opinion que cette prairie est extraordinaire. Séduit par la beauté de l’ apollon, il finit même par me demander une copie de ma photo pour ses enfants et pour sa mère en maison de retraite mais qui a vécu près de ce pré.

L’amoureux des scabieuses

L’apollon est un papillon montagnard qui aime la chaleur. Il peuple une grande partie des massifs européens et se rencontre généralement entre 700 et 2000 mètres dans les endroits secs et pierreux ou les prairies maigres. Actif entre mai et septembre selon l’altitude, l’adulte se reconnaît de loin à sa grande taille et à son vol nonchalant ponctué de voltiges. Pour tenter de l’observer en train de butiner, guettez les chardons ou les scabieuses aux heures les plus chaudes. Les œufs sont confiés à l’orpin blanc, une plante grasse inféodée aux sols arides.

Ambassadeur par nature

Plusieurs menaces pèsent sur les prairies maigres et leurs habitants. L’urbanisation, l’embroussaillement de certains terrains consécutif à la déprise agricole ou encore l’intensification des cultures appauvrissent la flore et la faune de ces milieux particuliers. La pression est d’autant plus forte à basse altitude que l’ apollon s’y trouve en limite climatique. Dépendant de la présence de scabieuses, de leurs cousines les knauties et d’autres plantes nectarifères, ce papillon est un excellent indicateur de l’état de santé des prairies naturelles montagnardes.

Alexandre Scheurer

Alexandre Scheurer

photonature.ch

  • 1971 Naissance à Lausanne
  • 1995 Publie ses premières photos
  • 2016 Expo sur la flore alpine au Musée de l’Hospice du Grand-St-Bernard
Couverture de La Salamandre n°235

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 235  août - septembre 2016, article initialement paru sous le titre "Les yeux de la prairie"

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