© Xan White

Un air farouche de rempart

Le Salève est assiégé. Au pied de l'imposante citadelle, le Grand Genève se déploie. Dans le printemps frémissant, visite à une place forte qui ne se rend pas.

Le Salève est assiégé. Au pied de l'imposante citadelle, le Grand Genève se déploie. Dans le printemps frémissant, visite à une place forte qui ne se rend pas.

Un petit matin gris de mars. Cheminement à travers un joli brin de campagne genevoise. Direction le Salève, forteresse en terre de France. Ses raides murailles calcaires encore habillées de brume – dix-neuf kilomètres presque rectilignes – barrent l’horizon.

A l'assaut du château

Bien des envahisseurs sont partis à son encontre: mineurs creusant et déboisant, carriers, touristes et sportifs du dimanche. Aujourd’hui, le Grand Genève se fait pressant, galopant au pied du massif, où constructions et routes se mêlent aux cultures maraîchères. Sur l’autre versant, plus doux, l’assaut est moins urbain, mais tout aussi insistant.
Dans le téléphérique qui mène au Grand Salève, le regard survole l'immense carrière qui sape le flanc nord-ouest, mais aussi l’autoroute qui l’enserre comme une douve.

Bois-gentil ou mézéréon / © Eric Dürr

Donjon & poisons

A 1097 m, au terminus, la vue embrasse la plaine et le Jura. Décor immense, vue de châtelain. De là, descente vers le vallon de Monnetier. En cette fin d’hiver, les bois sont encore dormants. Ils s’ornent joliment çà et là des fleurs roses précoces du bois-gentil. Qui porte bien mal son nom, car ses baies sont diablement toxiques. Elles servaient jadis à empoisonner les gêneurs, les loups en particulier.
Puisque l'on parle de lui, l'un de ses représentants, justement, a été photographié sur le Salève en 2012. Qu'il se fasse discret, et ne se montre qu'aux bienveillants ! En marge du sentier, deux merles se chamaillent, certainement pour une place bien en cour. On entend à peine la fauvette à tête noire qui zinzinule non loin.

Fauvette à tête noire / © Jean Bisetti

Duo de troubadours

La petite musique de la fauvette encore en tête, nous voilà rapidement à Monnetier, village dévasté par le feu en 1822, à l’époque où l’on tua le dernier ours du Salève. D'autres seigneurs autrefois bannis ont depuis fait leur retour en leurs domaines: lynx, cerf, chamois. Le vautour percnoptère est pressenti, mais n'a pas encore réapparu.

Jeune chamois accompagné de sa mère / © Eric Dürr

Monnetier traversé, direction les falaises. Un pont de chemin de fer rouillé fait office de portique au sentier, qui se mue bientôt en marches de pierre. Ce chemin de ronde vient à longer un parterre de corydales entre quelques hauts fûts. Un vrai jardin de cloître ! Mais sans ce silence qu'on dédierait à Dieu: un pouillot de Bonelli et un grimpereau y joutent gaiement de leurs trilles, soulignant la montée en puissance du printemps. Il éveille en douceur la forteresse, ses belles et ses troubadours.
Mais derrière lui, d’autres rumeurs : elles annoncent, au pied du mont, les lignes des assiégeants qui cavalent en tous sens.

Pinson du Nord / © Jean Bisetti

Ça lève… lentement !

Pendant 50 millions d’années, la chaîne du Salève a poussé de 2 mm par siècle. C’est aujourd’hui 1 mm par an, dont l’érosion mange la moitié. Pas de quoi menacer ce mur décliné en Petit Salève au nord-est, Grand Salève au centre et, au sud-ouest, avec le point culminant à 1379 m, le massif des Pitons. En stricte géologie, Mandallaz et Montagne d’Age ajoutent au sud 15 km de reliefs.
Entre Petit et Grand Salève, le vallon de Monnetier a été creusé lors de la dernière période glaciaire. Quelques mètres du Salève émergeaient alors de 700 m de glace. Au fait, saviez-vous que le verbe « varapper » est né au Salève en 1883 ? Il évoque l’ascension de la « Grande Varappe », l’une des gorges qui égratignent le massif. Toutes étaient jadis des « varappes », de l’indo-européen « var », qui signifie sommet rocheux aride.

Vue sur le léman depuis le Salève / © Xan White

Itinéraire

Accédez à la carte détaillée de cette balade dans le PDF en bas de page.

Grand-Salève & Pas-de-l’Echelle

Sierne > Veyrier > Grand Salève > Monnetier

durée: 3h00

  • De Pont-de-Sierne (bus & parking) (1), montée vers Sierne.
  • Prendre à droite le chemin des Champs.
  • Tout droit (ne pas longer l’Arve) puis à droite (2) vers le centre de Veyrier.
  • Longer l’église et rejoindre vers la gauche la route principale au carrefour de la douane (3).
  • Traverser et suivre les indications « téléphérique ».
  • Du Grand Salève (4), descendre vers Monnetier par le versant (et non l’arête). Au bourg, contourner l’église (5) direction le flanc nord-ouest et le sentier du Pas- de-l’Echelle.
  • La descente se termine par un pont sur l’autoroute (6).
  • De là, filer à gauche vers la douane (7).
  • Tout droit puis à droite (8) vers la fontaine Jules César.
  • Rejoindre l’Arve via le quartier résidentiel, puis retour vers Pont-de-Sierne.

Tour du Petit Salève

Monnetier > étrembières > Mont Gosse

durée: 2h45

  • De l'église de Monnetier (5), direction flanc nord-ouest, suivre le sentier vers les « Voûtes » (1), direction Etrembières.
  • Longer le Petit Salève jusqu'au château d'Etrembières (2), puis le contourner entièrement en revenant vers Monnetier par le Mont Gosse (3).

Accès en transports publics

Train/bus : de Genève, gare Cornavin, bus 8 en direction de Veyrier-Douane, arrêt Pont-Sierne (21 min)

Téléphérique du Salève : jusque fin mars, ne circule que les fins de semaine dès le vendredi. Du mardi au dimanche dès le 1er avril. +33 4 50 39 86 86

Renseignements et tuyaux gourmands

La Maison du Salève, 775, route de Mikerne, F — 74160 Présilly, +33 450 95 92 16. Les itinéraires proposés ne sont pas particulièrement pourvus d'étapes gastronomiques. On peut toutefois se restaurer à la station supérieure du téléphérique.

Restaurant panoramique « L’Horizon », +33 450 39 09 09. Juste à côté, la cabane-buvette pour promeneurs « Le Raccard » peut aussi dépanner.

En chemin, vers Monnetier, en bord d’arête, le Chalet de la Croix. +33 450 39 60 11.

Règles d'or et conseils

  • En cas d'hiver qui jouerait les prolongations, se renseigner sur les conditions neigeuses.
  • Par tous temps, enfiler de bonnes chaussures.
  • Dans la descente du Pas-de-l'Echelle, prudence : les fous de VTT y sont légion.

Eclairage par Luc Méry

Luc Méry

Enfant du Genevois (le nord de la Haute-Savoie), Luc Méry est né naturaliste : première expo à 11 ans sur les rapaces et création d’une association de conservation, Apollon74, sept ans plus tard. Depuis une douzaine d'années, avec une équipe dynamique et des partenaires fidèles, Luc Méry éduque à l’environnement, étudie espèces et milieux, analyse l’impact des routes… Il a contribué à l’élaboration du réseau Natura 2000 et des contrats « corridors biologiques » autour du Salève, Grand Genève inclus (corridors évoqués par un sentier pédagogique, réalisé avec des écoliers, sur l’itinéraire proposé ici). Luc se préoccupe aussi de conserver les vergers traditionnels haute-tige… Largement de quoi mûrir un beau guide, Du Salève au Vuache !

apollon74.org

A) Grande carrière « Du téléphérique qui, depuis 1934, emmène au Grand Salève, on a une vue d’aigle sur une carrière immense. Des mares et bosquets annoncent sa revitalisation intégrale en fin de concession, soit d’ici quelques décennies. Jadis, c’est pour le fer qu’on égratignait le Salève et coupait ses forêts. »

B) Chamois réfugié de guerre « Probablement disparu du Salève depuis plusieurs millénaires, le chamois y est revenu au cours de la Seconde Guerre mondiale depuis le plateau des Glières, à 25 km au sud-est. Les combats entre les résistants retranchés et l’envahisseur allemand ont forcé cet exil. »

Hibou grand-duc / © Eric Dürr

C) Tournée de grand-duc « Le hibou grand-duc a ses quartiers au Salève et ses chasses en plaine, notamment dans les biotopes protégés du bois de Vernaz et des îles d’Etrembières. Mais sa proie principale, le lapin de garenne, se fait rare. »

D) In memoriam Chemin de fer du Salève (1893-1935) « Premier chemin de fer de montagne à crémaillère électrique au monde, il progressait à 10 km/h grâce à un troisième rail électrifié. »

Faucon pèlerin / © Eric Dürr

E) A l'aise en falaises « Le Salève s’enorgueillit de cinq couples de faucons pèlerins, une belle densité. Mais tous n’arrivent pas à mener des jeunes à l’envol, la faute à divers dérangements — varappe, parapentes, hélicoptères. Un arrêté préfectoral interdit toute nouvelle voie d’escalade sur le Petit Salève, mais les engins volants peuvent encore passer. »

F) Temple naturaliste « En 1812, à Mornex, le pharmacien genevois Henri-­Albert Gosse dédia un « temple » aux naturalistes – dont Rousseau, de Saussure, Bonnet. Une trentaine de savants suisses y fondèrent en 1815 la Société helvétique des sciences naturelles – l’actuelle Académie suisse. »

G) Une ferme de 1733 comme porte-voix « Créé en 1994, le Syndicat Mixte du Salève regroupe vingt-sept communes haut-savoyardes du massif afin de protéger et valoriser durablement avec tous les acteurs cette « île préservée ». Sa Maison du Salève informe depuis 2007, à Présilly, sur l’histoire, le patrimoine et la nature du massif. »

Couverture de La Salamandre n°214

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 214  Février - Mars 2013
Catégorie

Balades

Vos commentaires

Réagir

Pour commenter sans créer de compte, il vous suffit de cliquer dans la case « nom » puis de cocher la case « je préfère publier en tant qu’invité ».

Ces produits pourraient vous intéresser

Agir pour la nature au jardin

24.00 €

Le grand livre de la nature

69.00 €

Les plantes sauvages

49.00 €

Agenda de la nature au jardin 2024

6.00 €

Découvrir tous nos produits

Poursuivez votre découverte

La Salamandre, c’est des revues pour toute la famille

Découvrir la revue

Plongez au coeur d'une nature insolite près de chez vous

8-12
ans
Découvrir le magazine

Donnez envie aux enfants d'explorer et de protéger la nature

4-7
ans
Découvrir le magazine

Faites découvrir aux petits la nature de manière ludique

Nos images sont protégées par un copyright,
merci de ne pas les utiliser sans l'accord de l'auteur